Opinion | Lyonel Trouillot : le gang de Musseau
3 min readPar Lyonel Trouillot
Les autres gangs kidnappent des gens, tuent des gens. Le gang de Musseau kidnappe l’espace politique, tue la vie
Facile de dénoncer les chefs de gangs, le banditisme. Moins facile de dénoncer ce qu’il y a de plus criminel aujourd’hui : le maintien d’un pays dans l’indétermination, dans la permanence d’un prétendu provisoire qui ne désire que se maintenir. L’acte le plus criminel contre Haïti aujourd’hui, c’est la prise en otage de la vie politique par une clique qui ne peut pas penser sa propre fin.
Pourquoi Ariel Henry et sa bande veulent-ils le pouvoir ? Pourquoi veulent-ils rester au pouvoir ?
Qui, même parmi eux, aura l’audace de dire que c’est pour servir les intérêts de la nation ?
Les faits parlent d’eux-mêmes. La nation, le pays, l’État perdent chaque jour du temps et de l’argent. Cette bande en gagne. Elle fait ce qu’elle veut des finances publiques sans aucune forme de contrôle sur ses avoirs et ses dépenses. Les ministres, hauts fonctionnaires, directeurs généraux disposent, à leurs nouveaux postes, de revenus nettement supérieurs à ceux qu’ils avaient avant. Les alliances avec les partis impliqués dans la mascarade de l’accord de décembre n’ont servi qu’à améliorer les conditions de vie de leurs membres ayant intégré le gouvernement de facto.
L’acte le plus criminel contre Haïti aujourd’hui, c’est la prise en otage de la vie politique par une clique qui ne peut pas penser sa propre fin.
Nos rapports avec les institutions d’État sont quasiment les mêmes que ceux que nous avons avec les gangs quand nous payons un droit de passage ou une rançon. Nous payons et devons faire confiance à la bonne foi d’un fonctionnaire honnête. Il en existe.
Les autres gangs kidnappent des gens, tuent des gens.
Le gang de Musseau kidnappe l’espace politique, tue la vie. La vie politique qu’il maintient dans l’impasse. La vie économique : les conditions de travail qui empirent, le travail de plus en plus rare, les classes moyennes totalement appauvries, les activités économiques en général qui régressent à part celles, peu souvent légitimes, de groupes et personnes liés au pouvoir. La vie culturelle, malgré les louables résistances d’associations qui essaient de créer des événements. C’est la vie du pays que le gang de Musseau tue. Ce pouvoir n’existe que pour se servir. Comme un gang.
Regardez la Télévision nationale qui n’offre plus à voir que ce qu’elle est devenue : un zombie de la propagande. Regardez les hôpitaux publics. Regardez les organismes responsables des services publics dans leur ensemble et vous verrez les résultats concrets de l’action du pouvoir de facto.
Le gang de Musseau kidnappe l’espace politique, tue la vie.
Aujourd’hui, je fais court et j’assume la prise de risque. Je propose que les forces progressistes — les médias indépendants et responsables, les citoyens voulant que ce pays progresse en inaugurant une transition vers des élections crédibles et un minimum de satisfaction des revendications populaires — ne désignent plus le gouvernement de facto et ses alliés nationaux que sous une dénomination plus adéquate : le gang de Musseau.