Crise bancaire : Des milliards de dollars partent en fumée dans la troisième faillite américaine
4 min readFirst Republic Bank est la troisième banque américaine qui s’effondre en quelques semaines. Elle a été absorbée le 1er mai par le géant bancaire JP Morgan pour éviter, une nouvelle fois, un effet de contagion à tout le système financier. 15 ans après la crise de 2008, les fragilités des banques qui ont gardé des pratiques hasardeuses hypothèquent un peu plus le financement de modèles plus durables.
Et de trois ! First Republic Bank est la troisième banque américaine à rejoindre le cimetière des établissements disparus pour cause de faillite depuis mars. Spécialisée dans la gestion de fortune, elle avait plus de 7000 salariés et des clients aussi prestigieux que Mark Zuckerberg le fondateur de Facebook dirigeant de Méta.
Fondée en 1985, elle n’aura jamais quarante ans, victime de placements hasardeux et de retraits massifs : 100 milliards de dollars sur le seul mois de mars repris en quelques clics par ses clients. Incapable de faire face à cet afflux de demandes simultanées, First Republic valait début 2023, 213 milliards de dollars, en février plus de 50 milliards et plus rien aujourd’hui. Ses actionnaires ont perdu la totalité de leur mise. Les autorités fédérales ont demandé dans l’urgence à JP Morgan, la première banque américaine, d’intervenir pour que le coût de cette faillite ne soit pas seulement à la charge des contribuables.
La création de géants bancaires ne rend pas forcément le système plus solide. La reprise de First Republic par JP Morgan porte ses actifs à 3200 milliards de dollars, 800 milliards de plus que Bank of America, numéro deux du marché. Faire disparaitre une banque malade en la faisant absorber est aussi le choix fait par la Suisse avec le rachat de Crédit Suisse par UBS. Cela entraine une saignée dans les emplois bancaires mais crée aussi des risques de long terme plus vastes.
La création de « géants incontrôlables »
« La résolution des crises bancaires par des fusions conduisant à des géants incontrôlables pourrait provoquer des catastrophes financières, économiques et même politiques », expliquait Pierre-Cyrille Hautcoeur, directeur d’étude à l’EHESS, dans une chronique au Monde en avril. Il y rappelait que cette méthode a provoqué en 1931 la crise bancaire austro-allemande qui a permis à Hitler de décréter un défaut général à son accession au pouvoir en 1933. Il écrit : « Le gouvernement nationalise brièvement la plupart des banques à travers une structure ad hoc, et organise la reprise des opérations de paiement et de crédit sous un contrôle strict, premier pas vers une économie contrôlée qui va bientôt être orientée par les nazis vers un réarmement massif. »
Sauver les banques est un choix économique et politique majeur mais il faut aussi sauver l’espoir des pays le plus pauvres né de l’agenda 2030 alerte Antonio Guterres, le Secrétaire Général des Nations Unies dans une tribune publiée par Le Monde le 28 avril : « Il reste très peu de temps au monde pour sauver les Objectifs de Développement Durable ». Fixés en 2015, ils constituent la feuille de route pour 2030 des Etats Membres de l’organisation mais finiront par rester lettre morte. Antonio Guterres met en parallèle l’argent mobilisé pour sauver les systèmes bancaires américain et suisse, avec l’absence totale de plans de sauvetage pour les pays pauvres victimes de chocs à répétition, changement climatique, Covid-19, pénuries alimentaires provoquées par la guerre en Ukraine. Il rappelle que 60 % des pays à faible revenus sont de plus en plus surendettés à des taux prohibitifs.
Le Secrétaire général des Nations Unies appelle le G20 à un sursaut pour déclencher le versement de 500 milliards de dollars par an à ces pays qui s’enfoncent dans une crise sans fin. Il voudrait ranimer la flamme de 2015 où est né l’espoir global de lutter contre les inégalités et le changement climatique avec les ODD et l’Accord de Paris. Mais il constate que « s’éloigne chaque jour davantage la promesse d’un monde dans lequel chacun pourrait avoir accès à la santé, à l’éducation, à un travail décent, à un air pur, à une eau propre et à un environnement sain… » et que « les problèmes sont systémiques, perpétués par un système financier mondial dysfonctionnel qui privilégie les profits à court terme et ne consent que trop tard à des actions insuffisantes. »