Corruption: Justin Trudeau brasse des millions et a passé des nuits à 9000 dollars dans un domaine luxueux durant Noël
10 min readPar Daniel Leblanc & Louis Blouin
Le premier ministre Justin Trudeau et sa famille ont célébré le Nouvel An avec des membres d’une famille de donateurs à la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau lors d’un voyage qui a coûté plus de 160 000 $ aux contribuables, a appris Radio-Canada.
Ce voyage a obtenu l’aval du commissaire à l’éthique avant le départ, selon le bureau du premier ministre, étant donné les relations datant des années 1970 entre les Trudeau et la famille de Peter Green. Celle-ci possède un domaine doté de cinq villas au bord de la mer des Caraïbes.
Conformément aux pratiques habituelles, nous avons consulté le Bureau du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique pour nous assurer que les règles sont respectées et que le premier ministre rembourse l’équivalent d’un billet d’avion commercial pour ses voyages personnels et ceux de sa famille, s’est contenté de répondre le bureau du premier ministre aux nombreuses questions de Radio-Canada.
Toutefois, ni le Commissariat à l’éthique ni le bureau du premier ministre n’ont voulu dire s’ils étaient au courant, au moment de l’évaluation du voyage, du fait que la famille Green avait récemment fait un don important à la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau.
De plus, le bureau du premier ministre ne veut pas dire si Justin Trudeau a payé son hébergement ou d’autres frais de sa poche lors de ce voyage qui s’est déroulé du 26 décembre au 4 janvier derniers.
Selon plusieurs sources, il y a des préoccupations dans l’entourage du premier ministre quant à la perception qu’un tel voyage pourrait provoquer au moment où de nombreux Canadiens souffrent financièrement de la hausse des prix.
On se demande pourquoi il va dans des endroits comme ça, a résumé une de nos sources.
Le premier ministre est depuis des mois sous le feu des critiques de l’opposition, qui l’accuse d’avoir contribué au phénomène de l’inflation en raison des dépenses de son gouvernement et d’avoir négligé la crise du coût de la vie.
Ce voyage a marqué la fin d’une année où le taux d’inflation a atteint 6,8 % en 2022 au Canada par rapport à l’année précédente.
Une source libérale a affirmé que Justin Trudeau semble ignorer la véritable menace posée par les conservateurs de Pierre Poilievre, qui accusent les libéraux d’être élitistes, snobs et déconnectés de la population.
Je n’arrive pas à m’expliquer la raison pour laquelle il leur fournit des munitions et nourrit ce genre d’attaques, se demande cette source.
Des sources confirment que ce voyage ne faisait pas l’unanimité au sein du bureau du premier ministre. Le processus d’évaluation a pris du temps à l’interne pour finalement mener à une approbation compte tenu du feu vert du Commissariat à l’éthique et des liens de longue date entre les Trudeau et les Green.
Le cabinet du premier ministre avait confirmé que les Trudeau iraient en Jamaïque quelques jours avant le voyage, sans fournir de détails quant à la destination exacte ou au nom de la famille qui l’accueillerait.
Pour ce reportage, Radio-Canada a parlé à plusieurs sources confidentielles qui n’avaient pas l’autorisation de s’exprimer publiquement au sujet de ce voyage en raison de leur emploi actuel.
Voyage coûteux
Le séjour de la famille Trudeau dans ce petit paradis terrestre a coûté au moins 162 000 $ aux contribuables canadiens, selon des documents déposés en Chambre en réponse à des questions de députés. Cette somme n’inclut pas les coûts liés à l’utilisation de l’avion Challenger de la Défense nationale pour transporter les Trudeau.
La GRC a engagé plus de 115 000 $ de frais pour assurer la sécurité du premier ministre et de sa famille. Le corps de police fédéral indique d’ailleurs que d’autres coûts qui n’ont pas été comptabilisés pourraient s’ajouter.
Une somme de plus de 47 000 $ s’ajoute pour couvrir les dépenses des membres d’équipage des Forces armées canadiennes et d’employés du Bureau du Conseil privé.
Selon des sources, certains employés du gouvernement ont dû être hébergés dans des hôtels tout-inclus à proximité du domaine Prospect durant le séjour de la famille Trudeau.
Comme prévu par les règles, les Trudeau ont été obligés de voyager dans un avion du gouvernement pour ce déplacement. Ils ont remboursé l’équivalent de billets d’avion commerciaux pour cet aller-retour en Jamaïque.
Le Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique a refusé de faire des commentaires supplémentaires sur ce voyage en raison de la confidentialité du processus.
Les vacances du premier ministre ont souvent défrayé la manchette depuis son arrivée au pouvoir, en 2015. Son séjour familial sur l’île de l’Aga Khan en 2016 lui avait valu un blâme du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique. Ce voyage avait coûté 215 000 $ aux contribuables canadiens.
Justin Trudeau s’était par ailleurs excusé en 2021 pour un séjour familial dans une résidence en bord de mer à Tofino au début de ses vacances lors de la première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, qui avait été instituée par son gouvernement.
Plus récemment, le premier ministre a été vivement critiqué pour avoir loué une luxueuse suite à grands frais (6000 $ la nuit) lors de sa participation aux funérailles de la reine Élisabeth II à Londres.
Le domaine Prospect
Le lieu du séjour des Trudeau en Jamaïque a été acheté dans les années 1930 par le défunt beau-père de Peter Green, un aristocrate du nom de sir Harold Mitchell qui était doté d’une des plus grandes fortunes de l’époque.
Pour séjourner dans une des cinq résidences de cette propriété située près d’Ocho Rios, il faut normalement débourser entre 1100 $ US et 7000 $ US la nuit durant la haute saison, selon le site web de l’entreprise.
Le domaine Prospect est légendaire parmi certaines des familles les plus riches et les plus puissantes du monde entier. Au fil des décennies, des dignitaires comme Winston Churchill, Henry Kissinger et le prince Philippe y ont séjourné.
Ancien premier ministre du Canada et père de Justin Trudeau, Pierre Elliott Trudeau a d’ailleurs séjourné au domaine Prospect une première fois en 1975, lors d’un voyage officiel en Jamaïque.
Au fil des années, les Green et les Trudeau ont fait des voyages ensemble en Jamaïque, aux Bermudes, à Zermatt (en Suisse) et au Canada, alors que Pierre Elliott Trudeau a accueilli les Green au 24, promenade Sussex, à Ottawa, ou à la résidence officielle du lac Mousseau.
Pierre Elliott Trudeau était le parrain du fils de Peter Green, Alexander, né en 1980. Un des fils Green avait d’ailleurs pris la parole aux funérailles de l’ancien premier ministre.
Justin Trudeau a continué à fréquenter les Green au fil des ans.
Un don à la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau
En 2021, la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau avait annoncé en grande pompe la création d’une nouvelle bourse commémorative, la première du genre. Une contribution d’Alexander et d’Andrew Green, les amis du premier ministre, a permis de créer la bourse Mary-Jean Mitchell Green en mémoire de leur mère.
Les bourses de leadership de la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau visent à favoriser le développement de chercheurs doctorants. Ils peuvent ainsi recevoir un maximum de 180 000 $ sur trois ans pour couvrir des frais de scolarité, de recherche et de déplacement, par exemple.
La valeur exacte du don de la famille Green est inconnue.
Pour Justin Trudeau, la fondation qui porte le nom de son père est source d’ennuis politiques depuis les révélations au sujet d’un don controversé de riches hommes d’affaires chinois qui auraient ainsi tenté d’influencer le gouvernement libéral.
Justin Trudeau a toujours assuré qu’il y avait une cloison étanche entre son gouvernement et la fondation qui porte le nom de son père. Le premier ministre s’est d’ailleurs retiré des affaires de l’organisme pour la durée de son engagement en politique fédérale.
Son frère Alexandre est toujours actif au sein de la Fondation à titre de membre de la succession.
Radio-Canada a tenté sans succès au cours des derniers jours de joindre les Green par l’intermédiaire de leur fondation pour obtenir leurs commentaires sur le voyage du premier ministre et sur leur don à la Fondation.
Tir groupé de l’opposition
À la Chambre des communes, l’opposition conservatrice a tiré à boulets rouges sur le premier ministre Trudeau, lui reprochant d’avoir pris des vacances luxueuses aux frais des contribuables, alors qu’un grand nombre de Canadiens devront revoir leurs propres plans de vacances cet été en raison de l’inflation.
Selon le chef conservateur, Pierre Poilievre, la villa des Green où le premier ministre a séjourné coûte 9000 $ la nuit. M. Poilievre lui demandait par conséquent combien il avait payé de sa poche cet hébergement lors de ce voyage.
À plusieurs reprises, Justin Trudeau s’est défendu en expliquant à la Chambre que sa famille et celle des Green sont amies de longue date.
Mon père était le parrain d’un de leurs enfants, leur père était le parrain d’un de mes frères. Cette amitié dure depuis plus de 50 ans. Bien sûr, nous avons travaillé avec le commissaire à l’éthique pour s’assurer que toutes les règles étaient respectées, a martelé Justin Trudeau.
Le chef conservateur a rétorqué qu’on n’offre pas un hébergement à 9000 $ la nuit à quelqu’un sans rien demander en échange. Surtout lorsqu’il s’agit du premier ministre du Canada et qu’on a versé une importante somme d’argent dans la fondation de son père.
Une balle reprise au bond par le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, qui a à son tour demandé au premier ministre combien il avait payé de sa poche pour ces vacances.
Justin Trudeau s’est une fois de plus défendu en rappelant que le commissaire avait été consulté relativement à ce voyage et qu’il n’avait pas de liens directs ou indirects avec cette fondation depuis 10 ans.
Il fallait dire au commissaire à l’éthique que la Fondation Trudeau venait de recevoir de l’argent aussi, a ironisé M. Blanchet.
Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a pour sa part rappelé au premier ministre que la vie, ce n’est que du soleil et des plages, en lui rappelant que les PDG gagnent en moyenne 243 fois plus que les travailleurs au Canada.
L’avis des experts
Le premier ministre Justin Trudeau doit accepter que la sphère de sa vie privée est plus petite que celle d’autres Canadiens, dit la politologue Geneviève Tellier.
Oui, ça passe le test du commissaire à l’éthique, mais il y a autre chose : il y a la notion des perceptions dans la population, affirme cette professeure en études politiques à l’Université d’Ottawa.
Selon elle, les libéraux s’exposent à de nouvelles critiques de l’opposition à la suite des révélations entourant ce voyage.
« C’est du bonbon pour les conservateurs… On l’a entendu souvent depuis plusieurs années : [Pierre Poilievre] dit que c’est un premier ministre qui est déconnecté de la réalité, qui n’a pas les mêmes préoccupations que la plupart des citoyens, qu’il n’est pas du tout préoccupé par le coût de la vie. »
— Geneviève Tellier, professeure en études politiques, Université d’Ottawa
Denis Saint-Martin, professeur de sciences politiques à l’Université de Montréal, se dit surpris que le premier ministre continue à prendre des vacances avec des membres de l’oligarchie internationale. Il explique que les liens se font de plus en plus nombreux entre la classe politique et les plus grandes fortunes de ce monde.
À ses yeux, il y a la lettre de la loi sur les conflits d’intérêts et l’esprit de la loi, et c’est sur ce dernier aspect que le voyage de la famille Trudeau soulève des questions, explique le professeur.
Il sait qu’il est faible de ce côté-là et il devrait être plus prudent, dit Denis Saint-Martin, qui se demande pourquoi les plus proches conseillers du premier ministre ne le protègent pas mieux de lui-même en ce qui a trait aux questions éthiques.
Haiti Premier Avec la collaboration de Marie Chabot-Johnson