Massacres, viols, corruption : le CARDH soutient la création de juridictions contre les crimes majeurs

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Port-au-Prince, 24 avril 2025 – Par décret en date du 16 avril 2025 (spécial # 25-B), le gouvernement haïtien a créé deux Pôles Judiciaires Spécialisés : l’un dédié à la répression des crimes et délits financiers complexes, et l’autre, aux crimes de masse et aux violences sexuelles. Le Centre d’Analyse et de Recherche en Droits de l’Homme (CARDH) considère cette réforme comme une avancée significative dans le processus de modernisation et de spécialisation du système judiciaire haïtien.

Ces nouvelles juridictions répondent à la nécessité d’une justice plus adaptée aux défis du pays, notamment à l’impunité généralisée et à la violence systématique perpétrée par des groupes armés. Le Pôle Financier traitera des infractions économiques de grande ampleur telles que la corruption, le blanchiment, les détournements de fonds et les infractions douanières ou fiscales. Quant au Pôle des Crimes de Masse et Violences Sexuelles, il ciblera les massacres, viols utilisés comme arme de guerre, enlèvements collectifs, trafic humain, terrorisme, et autres crimes graves.

Les deux pôles seront installés au Tribunal de Première Instance et à la Cour d’Appel de Port-au-Prince, avec une compétence territoriale limitée pour le moment à cette juridiction. Ils seront composés de juges spécialisés, nommés selon des critères stricts (intégrité, compétence, indépendance), et fonctionneront avec un cadre procédural basé sur les codes pénaux existants. Toutefois, ils auront recours à l’entraide judiciaire internationale en cas de besoin.

Le CARDH salue également la création de chambres d’appel spécialisées, et insiste sur la nécessité de garantir l’indépendance et la protection des magistrats, à travers des mandats définis et un processus de vetting rigoureux.

Malgré cet élan positif, le CARDH souligne plusieurs défis majeurs :

Cadre légal à adapter : Certains crimes visés ne sont pas encore définis dans la législation haïtienne. Il est impératif d’adopter des textes clairs pour éviter des vides juridiques. Procédure pénale inadaptée : La complexité des infractions nécessite une procédure spéciale qui dépasse les délais et outils prévus par la législation actuelle. Compétence territoriale limitée : Les pôles devraient à terme avoir une compétence nationale, leur efficacité dépendant d’une capacité à enquêter sur tout le territoire. Formation spécialisée : Une formation continue et ciblée des magistrats est essentielle pour répondre à la technicité des dossiers. Sécurité et infrastructures : En raison du climat d’insécurité, les pôles devraient être hébergés dans des bâtiments sécurisés, protégés contre les intrusions et le vol de dossiers.

Recommandations du CARDH

Dans sa note d’analyse, le CARDH recommande entre autres :

L’adoption de lois incriminant les actes non encore définis ; La mise en place d’une procédure pénale spéciale pour ces pôles ; L’élargissement de leur compétence à l’échelle nationale ; L’institutionnalisation d’un système de vetting indépendant pour tous les juges y siégeant ; L’usage renforcé des nouvelles technologies pour améliorer l’efficacité, notamment dans le traitement des infractions économiques.

Le CARDH considère que ces deux pôles constituent un pas important vers une justice plus crédible, professionnelle et accessible, capable de répondre à la demande de justice des victimes de la violence, de la corruption et de l’impunité. Toutefois, leur succès dépendra de la volonté politique à les doter de ressources, de cadres juridiques adaptés et d’une protection réelle face aux menaces systémiques.

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