365 jours du CPT: À quoi sert le Conseil Présidentiel de Transition ? Bilan d’un an d’errance politique et de faillite institutionnelle en Haïti 

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Un an après son investiture, le Conseil présidentiel de transition (CPT), mis en place dans un contexte de crise aiguë, n’a pas répondu aux attentes du peuple haïtien. À la faveur d’une alliance trouble avec la coalition armée “Viv Ansanm”, cette expérience politique s’est soldée par une accumulation d’échecs, de scandales et de dérives sans précédent.

Le 25 avril 2024, les neuf membres du CPT prêtaient serment, porteurs de promesses de changement, de rupture et de retour à l’ordre démocratique. Dans un discours déjà froid et maladroit, Régine Abraham dénonçait l’inaction du gouvernement Ariel Henry et annonçait une nouvelle ère. Un an plus tard, ce discours résonne comme une ironie cruelle : la transition promise n’a jamais vu le jour.

La formule de la présidence à neuf, inédite, a vite montré ses limites. Entre conflits d’ego, rivalités internes et corruption généralisée, le CPT est devenu une structure stérile. Le partage des postes, la vente d’influences, l’appropriation des fonds publics ont pris le pas sur les priorités de la nation.

L’éclatement de l’affaire BNC à l’été 2024 a révélé au grand jour l’étendue des pratiques douteuses. Trois membres influents du CPT – Gerald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin – ont été accusés d’avoir tenté d’extorquer des millions à la Banque Nationale de Crédit. Des cartes de crédit en devises, des pressions pour s’approprier des biens saisis, un pillage organisé : cet épisode résume la nature mafieuse de l’attelage censé incarner la transition.

Paralysie, rivalités et absence de leadership

Edgard Leblanc, premier président du CPT, a rapidement installé une logique de domination avec un “groupe majoritaire indissoluble” destiné à capter les leviers du pouvoir. À la fin de son mandat, il part en boudant la cérémonie de passation, emportant le sceau de la présidence. Fritz Jean, son successeur, patauge dans l’incohérence, incapable de reconnecter ses promesses passées à la réalité.

Régine Abraham, invisible, muette, absente ; Frinel Joseph, toujours à l’étranger, injoignable, inutile ; Laurent Saint-Cyr, effacé et inaudible ; Leslie Voltaire, imprévisible et maladroit ; Gérald Gilles, artisan de la corruption souterraine ; Smith Augustin, embarrassé par son passé diplomatique et ses manœuvres opaques.

L’accord du 3 avril : instrumentalisé, jamais appliqué

Jamais publié au journal officiel, l’accord du 3 avril est devenu un paravent. Il n’a jamais été respecté. Les structures qu’il prévoyait – notamment le Conseil national de sécurité – n’ont jamais été mises en œuvre. La répartition des « grands chantiers » entre les membres du CPT n’a rien produit. Pire : certains en charge de la sécurité ou de la justice sont aujourd’hui impliqués dans des affaires de corruption.

Une descente aux enfers accélérée

La situation sécuritaire s’est drastiquement détériorée. L’État a perdu le contrôle de Port-au-Prince, de nombreuses villes de province, et plus de 110 institutions publiques ont fui la capitale. Le gouvernement a abandonné ses ministères. Le ministre de la Justice n’a pas remis les pieds à son bureau depuis décembre 2024. Les gangs paradent librement pendant que les autorités s’enferment dans le silence ou se réfugient à l’étranger.

Le « budget de guerre » annoncé avec fracas n’a été qu’une illusion de plus. 6 millions de gourdes de plus, à peine 45 000 dollars, alors que le pays sombre dans la guerre urbaine. L’arrivée de Garry Conille, puis de Didier Fils-Aimé à la primature n’a rien changé. Ce dernier, totalement transparent, semble gouverner dans le vide. Les ministres désertent leurs postes. L’État s’efface.

Les grandes décisions du CPT ont été des “mirages” : Mario Andresol, la BSAP, l’enrôlement de volontaires… Autant de manœuvres désespérées pour sauver les apparences.

La sortie du buste de Toussaint Louverture le 7 avril ou les voyages mondains de Fritz Jean, flanqué de sa compagne, montrent à quel point cette présidence est déconnectée du réel. Il y a une trahison morale fondamentale. Ce que le CPT a infligé au pays dépasse la simple incompétence. Il s’agit d’un mépris assumé pour le peuple haïtien.

À l’issue de cette année de gâchis, l’échec du CPT est absolu. La structure a échoué à rétablir la sécurité, à poser les bases d’un retour à la démocratie, à incarner une gouvernance éthique. Les Haïtiens ont été trahis, une fois de plus. Et à l’heure où le pays sombre dans le chaos, les membres du CPT s’accrochent à leurs privilèges. L’histoire les jugera sévèrement.

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