Le pays a besoin d’une large concertation pour la mise en place d’un gouvernement provisoire !

Les fondements de notre nation sont profondément ébranlés, et il n’y a plus de temps à perdre. Le moment est venu pour un véritable dialogue politique et une concertation constructive. Un renouveau se profile à l’horizon, et il nous faut nous y préparer afin que le passé, désormais obsolète, ne se répète pas en raison de notre inaction et de notre impréparation face aux enjeux politiques actuels.
Une concertation politique authentique doit nous permettre de réévaluer le Conseil présidentiel de transition (CPT), composé d’agents au service d’intérêts étrangers, soutenus par une frange du secteur privé haïtien, souvent impliquée dans des affaires peu transparentes.
À travers le CPT, il est impératif d’écarter l’ensemble de la classe politique telle que nous la connaissons, celle qui a émergé après 1987. Elle a échoué pour des raisons évidentes liées à son incapacité manifeste à gouverner Haïti dans un cadre démocratique.
Ce n’est pas seulement la démocratie qui a disparu. « Haïti est aujourd’hui gouvernée par une organisation criminelle », a déclaré Monique Clesca. Cette déclaration de la militante rejoint celle d’un responsable d’une organisation des droits humains, selon lequel certains secteurs représentés au CPT ont été favorisés en raison de leur proximité avec les gangs armés.
Le CPT a échoué en tous points
Comment peut-on légitimement soutenir le Conseil présidentiel de transition, lorsque des experts en sécurité publique, tel le colonel Himmler Rébu, accusent ses membres d’être responsables des pertes en vies humaines et des destructions causées par les groupes criminels, car ils disposent des moyens nécessaires pour neutraliser ces gangs, mais s’abstiennent délibérément de les utiliser ?
Il est indéniable que la question de l’insécurité est intimement liée à la gouvernance actuelle. Haïti est piégée ! Comment s’en remettre ? Nous croyons fermement que seul le peuple peut libérer le peuple.
Au-delà de la concertation, qui demeure nécessaire pour l’élaboration de stratégies claires et efficaces, il est impérieux d’encourager des actions résolues visant à mener une insurrection citoyenne à travers tout le territoire national. Cette mobilisation est nécessaire pour préserver notre nation d’une destruction irréversible. L’initiative doit être portée par la jeunesse consciente et les masses populaires, tant dans les villes que dans les provinces, unies dans une action audacieuse et révolutionnaire, déterminées à mettre un terme à ce système en déclin. Ce dernier, en quête de survie, se nourrit de la corruption et du chaos instaurés par des individus qui ne sont que des relais de ce désordre, visant à piller les ressources de l’État et à profiter de l’argent généré par des trafics illicites de toutes sortes.
Cette instance exécutive de facto, en dépit de la corruption qui la mine, était totalement inadaptée à la réalité politique du pays. Elle n’était tout simplement pas en mesure de remplir la mission pour laquelle elle avait été créée. Personne n’a créé d’obstacles insurmontables pour le CPT ; son échec résulte de son incapacité opérationnelle et de la philosophie défaillante qui sous-tendait sa création.
Comment une telle institution pouvait-elle prétendre être garante de la bonne gouvernance, alors qu’elle n’était elle-même soumise à aucun contrôle ? On met en place un Premier ministre dont le supérieur hiérarchique est le CPT, lequel peut le révoquer à tout moment. Ainsi, le CPT se retrouve comptable de toutes les actions du gouvernement. Pourtant, selon la Constitution de 1987, le Président de la République et le Premier ministre détiennent des compétences distinctes et séparées. Durant cette période, on a instauré un absolutisme présidentiel démesuré, remplaçant le monstre bicéphale qu’était Ariel Henry.
C’est ce type de gouvernance que l’on cherche à instaurer dans le pays : un système où ceux qui exercent le pouvoir échappent à toute forme de responsabilité. Nous avons un CPT qui dépense les fonds publics sans être soumis à aucune règle de transparence, de contrôle ni de reddition de comptes. Si le décret créant le CPT avait prévu un organe de contrôle, celui-ci n’aurait été chargé que d’enquêter sur les actions du gouvernement. Toutefois, il n’aurait pas eu le pouvoir d’exercer un contrôle sur le budget, ni de valider ou refuser la décharge des gouvernants à la fin de leur mandat. De plus, il n’aurait pas pu mettre un terme à leurs activités ni se constituer en Haute Cour de justice pour destituer les membres de l’exécutif. L’organe en question, l’OCAG, manquait cruellement de crédibilité. C’était une véritable farce, un assemblage juridique qui n’avait rien de brillant.
Le CPT est inconstitutionnel
Le droit n’est pas une question de bricolage ; il représente un système de pensée complexe, où chaque élément s’intègre dans un ensemble ordonné et cohérent. Déplacer les pièces au sein de ce système sans en comprendre les implications revient à risquer de le déstabiliser. En effet, quel fondement justifie la fonction du Premier ministre dans un régime parlementaire comme le nôtre, si ce dernier est dépourvu de parlement ? Comment légitimer démocratiquement et constitutionnellement un régime d’exception ? La défaite du CPT était avant tout une défaite intellectuelle. Nous nous souvenons que Leslie Voltaire, ministre à deux reprises et ancien chef de cabinet du président haïtien déchu, avait déclaré, avant l’installation du CPT, que ses membres prêteraient serment devant la nation. Finalement, ils l’ont fait sur la Constitution de 1987.
Il n’existe aucun lien entre le CPT, dont l’existence n’a pas été validée par un vote populaire, et la Constitution de 1987. Pourtant, les trois inculpés estiment avoir le droit d’être jugés par la Haute Cour de justice. Le chaos actuel se trouve justifié par l’imbécilité manifeste de nos élites. Comme l’a souligné Leslie Manigat, « aucun ignorant ne peut résoudre les problèmes complexes d’un pays ».
Ce n’est pas simplement de la bêtise, c’est bien plus grave que cela : l’objectif était de tromper la nation en présentant une transition politique soi-disant ordonnée, soumise à des principes de bonne gouvernance. Hors du cercle étatique, Fritz Alphone Jean, l’actuel coordonnateur, avait toujours souligné l’importance de respecter les principes de la bonne gouvernance pour garantir le progrès et la stabilité du pays. Aujourd’hui, il dirige une instance étatique qui semble ne s’imposer aucune limite. En collaboration avec les autres membres du CPT, il a mis en place un gouvernement dépourvu de toute éthique gouvernementale.
Le CPT semble se lancer dans une course de quelques kilomètres, mais n’a même pas encore franchi le premier mètre de son engagement. En effet, la restauration de la sécurité, indispensable à l’organisation des élections prévues pour cette année, semble de plus en plus éloignée à mesure que les gangs multiplient les actes de violence à travers le pays. Les récents événements à Mirabalais illustrent de manière éclatante l’échec de la gouvernance actuelle. Il est grand temps que les dirigeants se retirent, car ils n’ont rien à apporter. Leur insistance à rester au pouvoir, malgré leur incapacité à remplir la mission pour laquelle ils ont été placés en charge, ne fait qu’aggraver le mécontentement qui, désormais, est presque général.
La dernière note de la CARICOM et des États-Unis sur la situation, loin de traduire un soutien aux autorités en place, révèle à mon sens deux constats majeurs : l’existence de forces capables de mettre fin à la gouvernance actuelle et l’impossibilité pour le CPT d’aller au-delà du 7 février 2026, date à laquelle il devrait remettre le pouvoir à des élus. Il est évident pour tout le monde que les élections ne pourront se tenir cette année. Face à la stratégie du bruit avant la défaite totale amorcée par les États-Unis, que faire ?
Remettons le pouvoir aux forces armées !
Dans leur situation actuelle, toute tentative de maintenir leur pouvoir ne fera que leur nuire davantage face à un mécontentement populaire de plus en plus transformé en révolte généralisée. Il est grand temps que le bon sens prévale, et que ces conseillers-présidents, confrontés à leur échec, prennent la décision que tout le monde attend, pour éviter l’impensable. Ainsi, je recommande que le pouvoir soit confié aux forces armées et de police, sous la direction de leur commandant, pour une période de soixante-douze heures. Ce laps de temps serait consacré à la négociation en vue de la mise en place d’un gouvernement provisoire, dirigé par un(e) juge issu(e) de la Cour de cassation.

Je ne prétends pas que cette démarche ait un quelconque fondement constitutionnel strict, mais elle pourrait mettre un terme au clientélisme politique qui ronge l’esprit du service public dans l’administration, à la captation de l’État qui nourrit une société de privilèges, au pillage des caisses publiques à des fins électoralistes, et, en fin de compte, garantir une neutralité essentielle au gouvernement pendant cette période transitoire.
Une telle neutralité est indispensable pour assurer un processus électoral libre et transparent, une étape indispensable vers la restauration des institutions de l’État de droit, visant à permettre à Haïti de réaliser son potentiel de développement économique basé sur la production.
Il est urgent que toutes les forces vives de notre nation, les patriotes déterminés et responsables, ainsi que tous les Haïtiens de bonne volonté, s’unissent pour une cause vitale : tracer la voie vers un avenir meilleur en écartant ces dirigeants illégitimes et incompétents qui ont failli à leur devoir envers notre peuple !
Sonet Saint- Louis av
Professeur de droit constitutionnel et de méthodologie de la recherche juridique à la faculté de droit et des sciences économiques de l’Université d’État d’Haiti.
Sous les bambous,
La Gonave, 12 avril 2025
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