Crise en Haïti : l’ONU demande plus de 900 millions de dollars pour 2025 — mais à quelles fins ?

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Haïti fait de nouveau les gros titres internationaux alors que l’Organisation des Nations Unies (ONU) a lancé, ce jeudi 20 février, un appel aux dons de 908,2 millions de dollars pour venir en aide à 3,9 millions de personnes en 2025. Un chiffre en nette augmentation par rapport aux 674 millions demandés en 2024 — une somme qui, rappelons-le, n’avait été financée qu’à 44%.

Mais une question cruciale demeure : Haïti est-il réellement une priorité sur la scène internationale ? Et dans un pays sans parlement ni président élu, où les institutions sont à l’agonie, cet élan de financement aboutira-t-il à un réel changement pour la population ?

Un contexte toujours plus dramatique

La situation humanitaire s’est profondément détériorée en 2024. Selon le Bureau des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) :

• 6 millions d’Haïtiens — soit près de la moitié de la population — ont besoin d’une assistance humanitaire.

• 5,5 millions vivent en situation d’insécurité alimentaire aiguë, avec 2 millions en urgence alimentaire et 6.000 déjà dans une situation de famine.

• Plus d’un million de personnes déplacées — une hausse de 48% par rapport à septembre 2024 —, souvent fuyant les gangs qui contrôlent désormais une grande partie de Port-au-Prince.

• La violence des gangs a causé 5.600 morts en 2024 (+20% par rapport à l’année précédente), tandis que les enlèvements et les violences sexuelles explosent.

• Près de 70% d’enfants recrutés de force par des groupes armés, aggravant encore le climat de terreur qui règne dans le pays.

Dans ce contexte, l’ONU tente de mobiliser des fonds pour répondre aux besoins les plus urgents — nourriture, soins médicaux, accès à l’eau potable, protection des populations vulnérables —, mais l’expérience des années précédentes montre que les promesses de dons tardent souvent à se concrétiser.

Si la situation humanitaire est dramatique, Haïti peine à capter l’attention et l’engagement réel de la communauté internationale.

L’année dernière, les 674 millions de dollars demandés par l’ONU pour Haïti n’avaient été financés qu’à 44%. Cette fois encore, l’ombre du sous-financement plane sur cet appel aux dons, d’autant plus que les crises mondiales — conflits en Ukraine, à Gaza, et dans plusieurs régions d’Afrique — captent une part importante des fonds et des efforts internationaux.

De plus, la crise politique persistante en Haïti complique encore la situation. Le pays fonctionne sans parlement ni président élu depuis des années. Le Premier ministre Ariel Henry, dont la légitimité est contestée, peine à établir une feuille de route claire pour sortir de la crise.

Alors, à qui ces 900 millions de dollars seraient-ils confiés ? Sans institutions nationales fortes et stables, c’est une fois de plus aux ONG, aux agences de l’ONU et aux organisations internationales qu’incomberait la gestion de ces fonds — un modèle qui a souvent montré ses limites en Haïti.

Le problème dépasse le simple manque de fonds. L’aide humanitaire, aussi cruciale soit-elle, ne peut remplacer une solution politique durable.

L’ONU soutient l’idée d’une Mission multinationale de sécurité (MMAS) menée par le Kenya pour lutter contre l’insécurité et les gangs armés, mais cette force — qui compte seulement 1.000 policiers sur les 2.500 attendus — manque cruellement de ressources et de logistique. Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, propose désormais que l’organisation prenne en charge la logistique de cette mission, mais cela suffira-t-il ?

Sans une gouvernance haïtienne forte, représentative et légitime, les milliards de dollars injectés risquent de se perdre dans les méandres des intérêts étrangers, de la corruption et des luttes de pouvoir — comme cela s’est souvent vu dans le passé.

Conclusion : et après ?

Alors que l’ONU demande 900 millions de dollars pour Haïti, il est urgent de se poser les bonnes questions :

• Haïti est-il toujours une priorité pour la communauté internationale ?

• Ces fonds peuvent-ils réellement aboutir à un changement durable sans institutions nationales solides et légitimes ?

• Ne faudrait-il pas repenser la manière dont l’aide est gérée, en impliquant davantage la société civile haïtienne plutôt que de s’appuyer sur des acteurs étrangers ?

Les Haïtiens, eux, continuent de survivre dans l’ombre des gangs et des crises politiques. L’argent seul ne sauvera pas Haïti — mais sans lui, la catastrophe humanitaire ne fera que s’aggraver.

La vraie question reste : à quand un engagement politique fort pour accompagner l’aide humanitaire et reconstruire l’État haïtien ?

Qu’en pensez-vous ? Peut-on réellement espérer des résultats sans institutions démocratiques solides en Haïti ?

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