Début de la fin pour le Conseil Présidentiel de Transition (CPT).-

Port-au-Prince, le 13 décembre 2024

Les signataires des textes fondateurs de la transition en Haïti, notamment la Déclaration Finale de la Jamaïque (1er mars 2024), l’Accord Politique (3 avril 2024) et le décret portant création du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), ont exprimé ce 13 décembre leur vive inquiétude face à la détérioration accélérée de la situation socio-politique. Dans une note officielle, les parties prenantes dénoncent les décisions unilatérales du CPT et s’interrogent sur l’avenir du processus de transition.

Des décisions contraires au consensus

Les représentants des parties signataires pointent du doigt la gestion unilatérale des neuf Conseillers-Présidents du CPT, dirigés par leur coordonnateur, Leslie Voltaire. Parmi les décisions controversées :

1. Le limogeage du Premier Ministre Garry Conille et la nomination d’un gouvernement partisan dirigé par A. Didier Fils-Aimé, perçue comme une violation flagrante des lois en vigueur et des accords politiques fondateurs.

2. Des nominations diplomatiques partisanes décidées lors du Conseil des Ministres du 1er décembre 2024, consolidant l’alliance entre Fanmi Lavalas et des acteurs influents du secteur privé, accusée de vouloir conserver le pouvoir à tout prix après deux décennies de défaites électorales.

Ces actions sont jugées contraires à l’esprit de consensus et de transition inclusif qui devait caractériser la période actuelle.

Un contexte marqué par la violence et l’instabilité

La note souligne l’inaction du gouvernement face à une montée vertigineuse de la violence :

• Déplacement massif des populations : en novembre 2024, près de 20 000 citoyens ont été forcés de quitter leurs quartiers dans des zones telles que Bel-Air, Solino ou Christ-Roi.

• Massacres : entre le 7 et le 8 décembre, près de 200 personnes ont été massacrées à Warf Jérémie par le gang de Mikanor. Quelques jours plus tard, plus de 20 autres ont perdu la vie à Petite Rivière de l’Artibonite malgré la présence des forces de sécurité sur place.

• Institutions paralysées : plusieurs ministères et institutions clés comme la Cour de Cassation et la Cour Supérieure des Comptes ont dû abandonner leurs bureaux situés dans des zones contrôlées par des gangs.

Ces éléments renforcent le sentiment d’impuissance des autorités de transition face aux crises sécuritaires et humanitaires.

Corruption et perte de légitimité

La présence de trois Conseillers-Présidents impliqués dans le scandale de corruption de la Banque Nationale de Crédit (BNC), actuellement instruits par le juge Benjamin Félisme, a ajouté une couche de discrédit au CPT. Les parties prenantes dénoncent une institution désormais incapable d’inspirer la confiance nécessaire pour conduire la transition.

Les recommandations des parties prenantes

Face à cette situation critique, les signataires de l’Accord du 3 avril 2024 formulent plusieurs recommandations :

1. Exclusion des membres impliqués dans la corruption : Les Conseillers-Présidents non inculpés sont appelés à se désolidariser des membres incriminés pour préserver l’intégrité du CPT.

2. Implication de la CARICOM : Les parties invitent le Groupe des Eminentes Personnalités de la CARICOM à faciliter des pourparlers pour constater l’échec de l’Accord du 3 avril 2024 et la caducité de la mission du CPT.

3. Vers un consensus élargi : La note appelle à la concertation avec d’autres secteurs non signataires de l’accord pour établir une gouvernance de transition stable, capable de restaurer la paix civile et de relancer le développement du pays.

Un tournant décisif pour la transition

Ce communiqué marque un tournant dans le processus de transition amorcé en 2024. La crise actuelle révèle des fractures profondes au sein du CPT, mais également des défis systémiques liés à la gouvernance en Haïti. La survie du processus repose désormais sur la capacité des acteurs à trouver un compromis inclusif et à redonner espoir à une population confrontée à une insécurité et une pauvreté endémiques.

Les prochains jours seront décisifs pour l’avenir de la transition en Haïti.